COP26 : la COP de l’esquive
Glasgow, le 12 novembre 2021- À la conférence de presse des Amis de la terre aujourd’hui, la représentante équatorienne du groupe Accion Ecologica, a raconté comment elle avait dû se mettre en quarantaine pendant 5 jours à son arrivée à Glasgow; entourée par des gardes en permanence, nourrie de chips et de Coca-Cola, elle pouvait à peine sortir de son lieu de quarantaine quelques minutes par jour. Doublement vaccinée, elle a souligné que la situation sanitaire en Équateur est meilleure qu’au Royaume-Uni…
Un autre intervenant a rappelé que la société civile avait demandé de repousser la tenue de la COP26, dans un contexte de pandémie et l’impossibilité de centaines de groupes des pays en développement d’y participer en raison d’innombrables restrictions imposées par le ministère de la Santé britannique.
Alors que plus de 500 lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles se voyaient dérouler le tapis rouge, de nombreuses personnes qui vivent en première ligne des impacts climatiques ont été écartées à causes de visas restrictifs, de coûts de voyage en hausse et d’un apartheid vaccinal, a affirmé Les amis de la terre.
Comme nous l’avons-nous-mêmes remarqué, les prix pour une chambre d’hôtel ou un logement à Glasgow ont littéralement explosé, certaines chambres étant proposées à… plus de 1500 CAD la nuit, alors que les gouvernements écossais et britannique n’ont pas tenu leur promesse de mettre à disposition des chambres à prix modique, particulièrement pour les délégations des pays du Sud.
Le fait est que de nombreux pays du Sud ne sont pas présents à Glasgow, ce qui permet aux pays riches, selon l’organisme, de se dérober à leurs responsabilités en multipliant les déclarations vides et les fausses solutions, comme des ‘solutions fondées sur la nature (sic) et le ‘net zéro d’ici le milieu du siècle’, ce qui leur permet de continuer leurs activités comme si de rien n’était.
Pour Sara Shaw, coordinatrice pour la justice climatique et l'énergie pour Les Amis de la Terre International, ce que nous voyons aujourd'hui, c'est la "grande esquive de Glasgow" (The Great Escape). Après avoir fait une série d'annonces tape-à-l'œil, pleines de réserves et d'échappatoires, les pays riches et la présidence britannique de la COP s'empressent de conclure un accord qui fait peser la responsabilité de la réduction des émissions sur les pays en développement, sans leur fournir les fonds dont ils ont besoin pour abandonner les combustibles fossiles.
Pendant ce temps, le sentiment d’urgence qui devrait animer les leaders de la planète se fait plutôt sentir dans la rue, mais avec une ampleur moindre que lors de COP précédentes. Bien sûr, des groupes comme Extinction Rébellion (XR) ont ponctué la COP26 de mises en scène dramatiques, comme celle où des hommes et des femmes se font littéralement asphyxier par du pétrole factice et frétillent comme des poissons sur le sol avant de mourir noyés dans une flaque noire.
Plus tôt, des activistes de XR s’étaient enchaînés aux portes de l’Université de Glasgow pour exiger des dirigeants un plan d’action pour le climat. Hier, d’autres membres de XR, habillés en complet veston et cravate, coiffés d’une tête de poisson mort, dénonçaient l’escroquerie des instances de certification pour la pêche durable comme le MSC, le Marine Stewardship Council, qui est acoquiné avec les grandes entreprises de pêche industrielle et n’ont virtuellement aucune mesure de vérification sur le terrain.
Pendant notre séjour à Glasgow, on avait souvent l’impression que les policiers étaient aussi nombreux que les manifestants. Plusieurs médias écossais ont rapporté des témoignages d’intimidation de la part des forces de l’ordre et de tactiques pour empêcher des groupes d’activistes de rejoindre d’autres militants lors de manifestations.
De nombreux cas de tracasseries administratives ont été dénoncées par des groupes de la société civile, à qui on a refusé l’accès à des événements ou des rencontres pour des raisons douteuses.
La COP26 est aussi victime d’éco-blanchiment à un niveau rarement atteint. Lors d’une visite dans la Green Zone, on peut voir des dizaines de kiosques d’entreprises qui tentent de nous faire croire qu’ils lavent plus vert. La compagnie Reckitt, basée à Londres, et fabriquant de Lysol, un détergeant utilisé par 50% des ménages nord-américains, a même un stand où un consultant tente de nous expliquer comment l’entreprise fait des efforts pour ‘être plus verte’. Mais lorsque nous lui demandons s’il est au courant que le Lysol contient des perturbateurs endocriniens et cancérigènes, il perd de sa superbe et semble avoir hâte que nous passions à un autre kiosque.
Consultants de toutes sortes en ‘environnement’, kiosque de l’Arabie saoudite et de grandes compagnies pétrolières, présence de plus de 500 lobbyistes des industries fossiles, c’est un peu comme si on invitait les compagnies de tabac à une conférence internationale sur la santé publique.
Pendant que les dirigeants de la COP26 sont dans leur dernier droit pour signer un accord, la plupart des observateurs ici ne sont pas optimistes. Comme le dit un observateur : ‘Tout ça pour ça?’
Phillipe Bélisle, chef de la délégation AQLPA