Lettre ouverte – CLIMATEGATE
En réaction à la chronique signée Nathalie Elgrably-Levy intitulée Climategate : Prise 2! (Journal de Québec et Journal de Montréal, 1er décembre 2011) portant sur des courriels anonymes incriminant les chercheurs climatiques et semant le doute sur les résultats de leurs études, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) rappelle quelques éléments supplémentaires sur la question. Il y deux ans déjà, en tant que président de l’AQLPA j’avais écrit «Climategate» - Manipulations et mensonges déjà vus, texte publié dans les pages du journal Le Devoir le 9 décembre 2009. Ce dernier a d’ailleurs refait surface dans les jours précédant le lancement de la 17e Conférence des parties sur le climat à Durban, Afrique du Sud. Un an plus tard, en octobre 2010, est paru le livre Le Populisme climatique de Stéphane Foucart : une enquête sur les "climato-sceptiques", ou comment la fausse polémique sur le réchauffement climatique nuit à la planète tout en sapant les fondements de la science.
En 2011, cette stratégie de désinformation n’est pas nouvelle. Nous n’avons pas ici affaire à un Climategate en reprise, une « histoire qui se répète » comme dit Mme Elgrably-Levy, c’est le MÊME Climategate qui continue tout simplement ! Quant à la chronique, malgré un contenu qui semble appuyer la dénonciation de cette pratique frauduleuse, le dernier paragraphe dévoile la position ambigüe de la journaliste : « parce que le doute est à la base de la démarche scientifique /…/ fermer les yeux sur le contenu des courriels, c’est s’exposer au canular le plus coûteux de l’histoire de l’humanité. ». Premièrement, il n’y a plus place au DOUTE quant au changement climatique ! Au delà d’une certaine limite de preuve, la démarche scientifique passe de l’hypothèse aux faits démontrés : le processus de changement climatique est démontré sans aucun retour possible sur la question. Deuxièmement, le seul CANULAR dans ce dossier est celui perpétré par les gouvernements, corporations et multinationales qui ont gaspillé des décennies à retarder l’action devant les faits démontrés et décriés par les scientifiques et la population informée.
André Belisle, président
Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique AQLPA
JOURNAL LE DEVOIR 9 décembre 2009 – Climategate, manipulations et mensonges – André Belisle
«Climategate» - Manipulations et mensonges déjà vus
Dans la saga nommée «Climategate», il est révélateur de considérer certains faits liés directement à cette affaire et aussi de se souvenir de l'histoire, quand même assez récente, du dossier des pluies acides.
D'abord, de quoi s'agit-il? L'histoire du «Climategate» est simple et banale, mais certains médias mal renseignés en ont fait leurs choux gras. On ferait n'importe quoi pour attirer l'attention, semble-t-il! En résumé, des cracks de l'informatique auraient découvert des bouts de phrases tirées de courriels échangés par certains chercheurs, donc des bouts de textes sortis totalement de leur contexte respectif, et qui démontreraient qu'au fond, le réchauffement planétaire n'existe pas et serait le fruit d'une conspiration de scientifiques et d'écologistes, tous des socialistes bien sûr...
Désinformation
Cela fait bien peu de cas des milliers de rapports contenant des centaines de milliers de pages provenant du travail de milliers de chercheurs depuis les trente dernières années, et ce, partout dans le monde. Tout ce travail a forgé un solide consensus qui se confirme et s'élargit au fil des jours, des mois et des années. Il y a maintenant au moins 3500 scientifiques reconnus mondialement qui attestent publiquement la gravité et l'urgence de la situation. Aujourd'hui, à la rencontre internationale de Copenhague, il y a 30 000 participants.
Je me souviens très bien d'une stratégie de désinformation semblable qui fut révélée publiquement dans le dossier des pluies acides vers la fin des années 80; je travaille à l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) depuis 1982 et j'en ai vu bien d'autres depuis. Cette stratégie de désinformation a vu le jour au moment où il était évident, comme maintenant, que les gouvernements concernés allaient agir pour imposer la réduction des émissions polluantes provenant en grande partie de la combustion des combustibles fossiles, curieusement comme pour les gaz à effet de serre.
Virage nécessaire
Aux États-Unis, et même au Canada, de prétendus groupes écologistes, dont l'ineffable groupe appelé Citizens for Sensible Control of Acid Rain, et une poignée de chercheurs mercenaires largement financés par les multinationales des combustibles fossiles profitaient de toutes les tribunes pour nier le problème. Un parallèle en matière de désinformation peut être établi avec le scandale, à la même époque, des cigarettiers qui véhiculaient le même type d'informations tordues dans les mêmes buts.
Heureusement, dans les deux cas, toutes ces manigances n'ont rien changé et, quant à moi, dans le dossier du réchauffement planétaire, la force du consensus mondial limitera les dommages de cette stratégie mensongère et le virage nécessaire s'entreprendra quand même.
Cela me rappelle un proverbe connu: on peut mentir à quelqu'un longtemps, mais on ne peut pas mentir à tout le monde tout le temps...
André Bélisle - Président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
DÉCEMBRE 2009