L’Oléoduc Transcanada, dans le Bas-Saint-Laurent
L'auteure est vice-présidente de l'Assocation québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)
Le Bas-Saint-Laurent est l'une des régions québécoises les plus dynamiques en ce moment pour ce qui est du développement de la production d'énergie de source renouvelable. C'est l'une des raisons principales pour laquelle j'ai décidé de devenir citoyenne de la région, parce que c'est ici, avec la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, qu'un développement énergétique autrement semble le plus probable. Les MRC bas-laurentiennes s'impliquent déjà financièrement dans des projets éoliens et de biométhanisation, en plus de développer de l'expertise dans la chauffe communautaire à partir de biomasse forestière disponible à même le milieu local ou régional. Il y a des projets d'énergie renouvelable dans plusieurs MRC et beaucoup de gens y croient et travaillent à leur réalisation. Les municipalités sont dynamiques et fort conscientes des défis qui les attendent.
Prenons l'exemple de la MRC du Kamouraska. Plusieurs municipalités de la MRC ont embauché des agentes et agents de développement pour soutenir des plans d'action afin de revitaliser les petites municipalités face aux défis du XXIe siècle. Que ce soit le long de la 20 ou de la 132, ou encore dans « les terres », on voit émerger des projets comme le parc régional du Haut-Kamouraska, une initiative visant à mettre en valeur les villages, tant pour ce qui est de leur développement touristique et culturel, qu'énergétique (énergies renouvelables).
C'est en plein sur le territoire de ces villages que Transcanada veut passer son oléoduc Énergie Est. En ce moment, ces villages veulent attirer les familles parce que les paysages sont extraordinaires et la qualité de vie exceptionnelle. Avec l'accès à Internet, des services de proximité qui se développent et des municipalités qui se soucient vraiment de leur population, la pire chose qui pourrait arriver, c'est de devenir célèbres pour cause de déversements. Qui sont malheureusement trop fréquents. Et lorsque l'on en apprend plus sur Transcanada, la compagnie qui veut passer sur nos terres du Haut-Kamouraska, ce n'est pas de nature à rassurer, quand il est question de sécurité.
L'un des ex-ingénieurs de l'entreprise, Evan Vokes, s'inquiète du peu de professionnalisme avec lequel la compagnie traite les questions d'inspection et de respect des codes. Transcanada l'a d'ailleurs congédié une semaine après qu'il ait dénoncé cette situation à l'Office national de l'énergie, qui a reconnu que ses plaintes méritaient attention. Comme il le dit lui-même: "les conséquences sont si mortellement élevées!"
Par ailleurs, dans le rapport 2011 de l'entreprise, l'année de l'explosion d'un pipeline à Bison, au Wyoming, seulement six mois après la fin de la construction, la compagnie a mentionné qu'il s'agissait de problèmes de "start-up". Comme si une explosion était une situation normale, à laquelle on doit s'attendre. L'ingénieur Evan Vokes avait pourtant constaté un manque de compétence des inspecteurs et le niveau était bien en-deçà des standards des soudures. C'est pour ça qu'il a risqué sa job à dénoncer cette situation.
Une telle attitude corporative, ça ne vous rappelle pas un autre événement récent? Est-ce ce que nous voulons dans le Haut-Pays du Kamouraska ou au Témiscouata? Que des compagnies de transport de gaz et pétrole passent sur nos terres en considérant les explosions comme de simples risques à gérer alors que nous, nous serons condamnés avec les conséquences comme c'est déjà le cas ailleurs au Canada et aux États-Unis? Ne voulons-nous pas plutôt vivre au Bas-Saint-Laurent en développant nos villages par des services de proximité, l'utilisation responsable de nos ressources renouvelables - soient-elles énergétiques, agricoles ou forestières - en minimisant les risques pour assurer la protection de notre qualité de vie, et en protégeant notre air, notre eau et notre quiétude? Bien sûr que oui! Aussi tentant soient-elles, les redevances d'une compagnie comme Transcanada viennent avec des risques inacceptables parce que les conséquences à court et à long terme sont trop élevées.
Dans un contexte où les énergies fossiles sont douze fois plus subventionnées que les énergies de sources renouvelables et que les changements climatiques font déjà des ravages au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie (on n'a qu'à penser aux fortes marées de 2010 et à l'érosion accélérée), la région devra défendre ses plans d'action visant une développement en harmonie avec le milieu, par des gens d'ici qui veulent des emplois durables et sécuritaires. Le Bas-Saint-Laurent risquerait beaucoup trop à laisser passer ces autoroutes pétrolières. Oui, comme pour les gaz de schiste dans d'autres régions du Québec, c'est une bataille de David contre Goliath. Mais il ne faut jamais oublier que c'est David qui a gagné.
Les gens du Bas-Saint-Laurent pourront avoir plus d'information, lors de la rencontre du jeudi 8 août 2013, à Mont-Carmel, du 20 août à Cabano au Témiscouata et le 21 à l'Islet (endroit à préciser).