Gouvernement canadien et changements climatiques
Le gouvernement canadien a abandonné le Protocole de Kyoto en décembre 2011, juste avant la date limite d’obligation d’atteinte des objectifs. Bien qu’il se soit fixé de nouvelles cibles de réduction, le gouvernement continue d’autoriser et de financer le développement intensif des sables bitumineux, du gaz de schiste et d’autres hydrocarbures, tous producteurs d’énormes quantités de GES, ce qui va totalement à l’encontre de ses propres objectifs de réduction de GES.
Le présent tableau illustre nos différents objectifs dans le temps et nos gains réels.
Le Canada se fixe une faible cible mais n’arrivera pas à l’atteindre
En décembre 2011, le Canada se retire du Protocole de Kyoto et de ses suites et l’officialise en décembre 2012. Il réitère alors son objectif de -17 % par rapport à 2005 (qui était l’objectif fixé à Copenhague en 2010), mais à l’extérieur du mécanisme de Kyoto. Selon la tendance actuelle, le Canada ne sera pas en mesure d’atteindre même ce faible objectif, nettement insuffisant devant l’ampleur de la réduction nécessaire pour limiter les changements climatiques.
Affaiblissement des lois protégeant l’environnement
Le gouvernement du Canada a procédé à une série d’abolition de lois protégeant l’environnement. En effet, deux projets de loi «mammouth» contenant des centaines de pages ont été adoptées en vrac par le gouvernement majoritaire de Stephen Harper. Que ce soit en matière de politiques environnementales, fiscales, d’immigration ou encore sur les droits des peuples autochtones, nous ne saisissons pas encore toute l’ampleur des perturbations et des reculs occasionnés par ces projets de loi dits omnibus, car ils constituent un fourre-tout de plusieurs thèmes qui auraient normalement fait l’objet de consultations, de compromis, de débats et de projets de loi séparés. Le gouvernement a invoqué l’urgence économique pour justifier le caractère expéditif de ces projets de loi.
- Projet de loi C-38 du 18 juin 2012: Ce projet de loi «officialise le retrait du protocole du Kyoto, accélère le processus des évaluations environnementales, modifie la loi sur les opérations pétrolières et modifie la Loi sur les pêches, en changeant les cours d'eau qui seront protégés». Les 871 amendements déposés par les partis d’opposition ont tous été rejetés.
- Projet de loi C-45 du 4 décembre 2012, dit «Mammouth 2»: Près du tiers des 450 pages visent à démanteler les protections environnementales existantes, favorisant ainsi les projets industriels des sables bitumineux entre autres. Ce projet de loi omnibus «revoit notamment la loi sur la protection des eaux navigables - en retirant la protection de la loi à des centaines de lacs et cours d'eau. Avec ces changements, seuls 97 lacs et 62 rivières tomberont sous la protection de la nouvelle loi, alors qu'il existe des dizaines de milliers de lacs et rivières au pays».
Financement de la station de recherche PEARL
Le Canada a supprimé en 2012 le financement de la station PEARL (Polar Environment Atmospheric Research Laboratory), installée dans le Grand Nord canadien et qui mesure les effets du réchauffement planétaire depuis 2005. On parle ici d'un financement de 1,5 million par année promis au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNGC), qui finance l’organisme de tutelle de PEARL, le CANDAC (Réseau canadien pour la détection des changements atmosphériques). «L’argent promis dans le budget par le ministre des Finances a disparu. Personne n’en a vu la couleur. Le gouvernement a été questionné pour savoir où ces fonds étaient passés. Personne n’a pu obtenir une réponse», a confié au journal Le Devoir Thomas J. Duck, membre du département de Physique et des Sciences de l’atmosphère à l’Université de Dalhousie (Nouvelle-Ecosse), pour qui «l’opposition idéologique de certains conservateurs à l’endroit des sciences de l’atmosphère» a certainement contribué à cet imbroglio. La fermeture de la station PEARL, seule base de recherche située en arctique, qui mesure la qualité de l’air, la migration des contaminants atmosphériques vers les régions polaires ou encore la présence d’ozone dans la stratosphère, serait une perte considérable pour les scientifiques qui étudient le changement climatique. À la dernière minute, un financement partiel (5 millions sur 5 ans) a été annoncé, évitant ainsi la fermeture de la station mais ne permettant pas un fonctionnement 12 mois par année.
Musellement de ses scientifiques
Le gouvernement conservateur «muselle» ses propres scientifiques, financés à même les fonds fédéraux, pour qu'ils ne discutent pas de leur travail en public, selon des scientifiques canadiens. Dans une lettre publiée en février 2012 dans le cadre du congrès de l'American Association for the Advancement of Science, six organisations professionnelles canadiennes, représentant des scientifiques et des communicants, demandent au premier ministre de faire «tomber le mur» séparant les scientifiques, les journalistes et le public. «Malgré les promesses que notre gouvernement majoritaire respecterait les règles de transparence et d'imputabilité, les scientifiques fédéraux du Canada ne sont toujours pas autorisés à parler aux journalistes sans obtenir le "consentement" du service des relations publiques», lisait-on dans le courrier.
Les entrevues demandées par les journalistes sont régulièrement refusées et les scientifiques subissent des pressions politiques. Le musellement des scientifiques canadiens a fait l’objet de reportages à travers le monde particulièrement dans les médias scientifiques, et fait l’objet d’une plainte auprès du commissaire à l’information du Canada.
Abolition de la Table Ronde Nationale sur l’environnement et l’économie
L’abolition en 2013 de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (TRNEE) est une perte importante, fortement critiquée par les groupes environnementaux. De plus, le gouvernement a refusé le transfert des documents – 25 années de recherches et rapports – vers un autre site web pour en maintenir une accessibilité facile au public. Pour l’instant, le site web a été archivé sur le site de la Bibliothèque et Archives Canada. Les champs d’actions de la TRNEE portait sur le climat, l’eau, l’énergie, la biodiversité et la gouvernance et sa mission était «d’aider le Canada à trouver des solutions de développement durable qui intègrent les considérations environnementales et économiques afin d’assurer la prospérité durable et le bien-être de la nation».
Promotion du pétrole lourd des sables bitumineux
Pendant qu’on refusait le financement de la station PEARL pour 1,5 million de dollars par année, le budget de promotion du ministère des ressources naturelles fait un bond astronomique... Le budget de publicité du Ressources Naturelles Canada (RNC) est passé de 237 000$ en 2010-2011, à 7,5 millions en 2012-2013 puis à 17,5 millions en 2013-2014! Une grande portion des efforts publicitaires est axée sur la promotion de l’industrie pétrolière, notamment pour tenter de contrer l’opposition rencontrée au Canada et aux États-Unis relative à différents projets d’oléoducs ou pour minimiser l’impact du développement des sables bitumineux sur l’environnement et les changements climatiques.
Nuisance aux négociations internationales sur le climat
Lors des dernières conférences annuelles sur le climat de l’ONU, le Canada a souvent joué un rôle de blocage et même de sabotage dans les processus de négociation. Jadis un leader de l’environnement, le Canada est de moins en moins influent dans les négociations climatiques. En effet, il est difficile de prendre le Canada au sérieux après qu’il se soit retiré de Kyoto en 2011 et que des sources officielles aient indiqué dernièrement qu’il ratera largement sa maigre cible de réduction des GES de 17% par rapport à 2005 d’ici 2020, engagement pris à la dernière minute en 2009. Quoiqu’il en soit, le Canada répète qu’il s’engagera dans un accord multilatéral en 2015 si les autres pays le font aussi. Mais le Canada devient frileux lorsqu’il est question de réduire notre dépendance aux énergies fossiles tout en investissant massivement en efficacité énergétique et en développant les énergies vertes. Une délégation de l'AQLPA participe aux sommets internationaux sur le climat depuis de nombreuses années et suit de près les agissements du Canada. Les reportages de la délégation AQLPA pendant ces événements sont publiés sur le Blogue AQLPA.
Un des pires pays de l’Indice de performance climatique
L’indice de performance sur les changements climatiques (CCPI) 2014, publié par GERMANWATCH et Réseau Action Climat – Europe, établit une comparaison entre les 61 pays qui, ensemble, sont responsables de 90% des émissions de CO2 liées à l’énergie. La comparaison est basée sur les politiques environnementales des pays, la réduction des émissions, et l’évolution des émissions. Cet outil vise à renforcer la transparence dans les politiques climatiques internationales. Comme dans le rapport 2013, le Canada est classé parmi les pires en termes de performances climatiques parmi les pays industrialisés et demeure à la 58e position, juste avant l’Iran, le Kazakhstan et l’Arabie saoudite. Le Canada se classe au dernier rang des pays du G8, et avant-dernier au classement des pays du G20 (juste avant l’Arabie-Saoudite!).
Source du tableau : CCPI 2014
Liens pertinents
- The Climate Change Performance Index 2014 - Germanwatch
- L’Action du Canada sur les changements climatiques – Gouvernement du Canada
- Changements climatiques – Environnement Canada
- Émissions canadiennes de gaz à effet de serre
- Site web archivé de la TRNEE
- Publications Changements Climatiques – Ressources Naturelles Canada